Sucre, Plaisir et Addiction

Sucre, fantasme et réalité : Déchiffrez le vrai du faux dans l'actualité

1/ QUELLE EST LA RÉALITÉ DE LA CONSOMMATION DE SUCRE EN FRANCE AU REGARD DES RECOMMANDATIONS DE SANTÉ PUBLIQUE

« La consommation de sucre a explosé en un siècle et demi. [Les Français] en consomment depuis une trentaine d’années 35 kilos par an ! », Le Point

Faux

En France, la consommation réelle des adultes est de l’ordre de 52 g/jour en moyenne pour les sucres libres(1) (=sucres ajoutés + sucres des jus de fruits, du miel), soit moins de 20 kg/an. Les 35 kg/an sont des ventes et incluent les utilisations non alimentaires des sucres (par exemple le sucre pour l’alcool de pharmacie) et les pertes de produits sucrés non consommés.

Cette consommation de sucres libres représente 9,5% des calories quotidiennes(1). En moyenne, les français respectent la limite fixée par l’OMS. En effet, l’Organisation Mondiale de la Santé recommande des apports en sucres libres inférieurs à 10% de nos calories quotidiennes. Par comparaison, en Allemagne la consommation moyenne de sucres libres correspond à 14% des calories quotidiennes, en Australie à 10,9% et en Espagne à 7,3%.


« On consomme beaucoup trop de sucre ! »

Nuancer

En France, l’Agence Nationale (ANSES) conclut qu’une recommandation uniquement portée sur les sucres ajoutés n’est pas justifiée et place la limite pour les adultes à 100g/jour pour tous les sucres, hors lactose du lait.

Or, en moyenne en France, un adulte consomme 75g/j de sucres (hors lactose), et un enfant (3 – 17 ans) 80g/j.

Si la moyenne est bien en dessous de la limite fixée, cela n’évite pas des apports en excès chez certains consommateurs, cible prioritaire pour un accompagnement nutritionnel. En effet, 5 % des adultes en consomment plus de 138g/j, tandis que 5% en consomment moins de 27 g/j.

NB : il est à noter que la recommandation de l’ANSES a uniquement été fixée pour les sujets adultes.


« Aujourd’hui les Français consomment en moyenne 100 grammes de sucre par jour. Mais les adolescents entre 11 et 17 ans en consomment 242 grammes. », Agnes Buzyn

Faux

Il y a une grosse confusion entre sucre, sucres et glucides ! Le sucre sans « s » correspond uniquement au saccharose extrait de la canne ou de la betterave à sucre : les estimations des consommations des glucides ne se basent pas sur la seule consommation de saccharose mais prennent aussi en compte l’ensemble des sucres naturellement présents dans notre alimentation, les sucres ajoutés ou encore l’amidon.

L’ANSES a publié récemment les apports nutritionnels des Français relevés dans l’enquête INCA 3(2):

  • 104 g/j, c’est l’ensemble des sucres apportés par l’alimentation chez les adultes : sucres naturellement présents (saccharose, fructose et glucose dans les fruits, lactose dans le lait) et sucres ajoutés dans les aliments (par exemple le sucre en poudre). Ce sont les glucides simples.
  • 244 g/j correspond à l’apport en glucides totaux chez les adolescents : les glucides simples (cf. précédemment) et les glucides complexes soit l’amidon des féculents (dans les pâtes, les céréales …).

Contribution des glucides à L’AESA* (chez les adultes)
Credoc, CCAF 2016

Contribution des glucides à l'AESA

*Apport énergétique sans alcool (alcool ≈ 3% de l’apport énergétique total).


2/ IDÉES REÇUES SUR L’ADDICTION

« Il est démontré que le sucre agirait comme une drogue (Bernard Pellegrin) », Le Point

Faux

Le raccourci sucre=dopamine=plaisir=drogue est simpliste, c’est en fait plus complexe que cela.

Chez une personne en bonne santé, le système de la récompense renforce les comportements essentiels à la survie (reproduction, recherche de nourriture, interactions sociales…). Ce système correspond à une cascade d’interactions neuronales avec libération d’un neuromédiateur, la dopamine, et information des centres du plaisir et du bien-être. Les aliments palatables (sucrés ou non) stimulent la libération de dopamine qui est modulée par l'appréciation du repas, le niveau de faim et de satiété, le contexte du repas, etc. L’activation de ce système n’est ni pathologique ni génératrice d’addiction.

Pour en savoir plus, découvrez la vidéo « le sucre rend-il accro ? »

« Le sucre a tous les critères d’une substance toxique et addictive (Dr Robert Lustig) », Le Point

Faux

L’utilisation du terme « addiction à un aliment » (food addiction) implique que ce dernier, comme les substances d’abus, a la capacité de rendre certains individus dépendants de par ses ingrédients et / ou une propriété inhérente. Cependant, si manger est intrinsèquement gratifiant (source de plaisir et de bien-être lié au rassasiement), cela n’implique pas nécessairement que des nutriments spécifiques sont capables de provoquer une dépendance à une substance. L’activation du système de récompense serait fonction de l’appréciation d'aliments appétents, et plus particulièrement des aliments que l’on préfère, quelle que soit leur composition nutritionnelle.

Les chercheurs du projet européen NeuroFAST(3) considèrent que le niveau de preuve d’une addiction aux aliments est insuffisant mais reconnaissent l'existence d'un comportement alimentaire addictif : manger peut devenir une dépendance chez les individus prédisposés, dans un environnement spécifique. Ils concluent donc qu’il faudrait parler de « dépendance comportementale au fait de manger » (eating addiction).

3/ SUCRES CACHÉS / LA PLACE DU SUCRE DANS L’IAA

« Près de la moitié de la consommation de sucre ajouté se trouve dans des aliments où l’on ne s’attendrait pas à en trouver : hamburgers, céréales, sauce de salade, pain… (Dr Robert Lustig) », Le Point

Faux

Tout d’abord, il y a LE sucre ajouté mais aussi LES autres sucres ajoutés (lactose, sirop de fructose…) à ne pas confondre avec les sucres naturellement présents ni avec les glucides totaux. Par exemple, le pain traditionnel ou la baguette apportent des glucides (environ 50 %) mais ne contiennent pas de sucres ajoutés dans la recette.

En France, plus de 90 % du sucre est utilisé pour produire des aliments sucrés, et 10% pour les produits salés. Dans la plupart des produits salés (en dehors des exceptions comme le ketchup), les sucres ajoutés représentent 0,5 à 3 % du poids total de l’aliment, comme exhausteur de goût ou pour rectifier l’acidité ou l’amertume.

GLUCIDES, SUCRES & SUCRE : POUR NE PLUS SE TROMPER, RAPPEL DES DIFFÉRENCES :

Rappel différence Glucides et Sucre

(1)Lluch A, et al. Individual Diet Modeling Shows How to Balance the Diet of French Adults With or Without Excessive Free Sugar Intakes. Nutrients, février 2017
(2) ANSES, juillet 2017, Etude INCA3, rapport d’expertise collective
(3) NeuroFAST 2014. ”Eating addiction”, rather than “food addiction”, better captures addictive-like eating behavior. Neuroscience & Biobehavioral Reviews
(4) Anses, 2016. Actualisation des repères du PNNS : révision des repères de consommations alimentaires
(5) Anses, 2016. Actualisation des repères du PNNS : établissement de recommandations d’apport de sucres
(6) World Health Organization, 2015. WHO Guideline: Sugars Intake for Adults and Children;World Health Organization: Geneva, Switzerland, 2015