L’actu sur le HPV

Dossier n°1

Dossier n° 1

L’histoire de l’infection à HPV, du premier
contact à la cancérisation

 

Les papillomavirus humains (ou HPV) présentent différents tropismes1 : - Les HPV à tropisme cutané. Ils infectent les cellules épithéliales de la peau. Ils peuvent provoquer des tumeurs bénignes comme les verrues plantaires.
- Les HPV à tropisme muqueux. Ils infectent les cellules épithéliales des muqueuses génitales et orales. Parmi eux, on distingue :
o Les HPV à bas risque oncogène comme les HPV 6 et 11 : ils peuvent provoquer des tumeurs bénignes tels que les condylomes. Ces derniers peuvent être invalidants, nécessiter un traitement prolongé et récidiver fréquemment.
o Les HPV à haut risque oncogène : ils peuvent provoquer des lésions précancéreuses et évoluer en cancers sur plusieurs années voire décennies (cancers du col de l’utérus, de l’anus, de l’oropharynx…). C’est le cas notamment des HPV 16 et 18.

 

Quelles sont les étapes clés de l’infection par le papillomavirus humain, depuis le premier contact jusqu’à la transformation cancéreuse ?

 

Le HPV, c’est quoi ?

HPV est l’acronyme de human papilloma virus (en français papilloma virus humain).

Les papillomavirus humains constituent un groupe de virus appartenant à la famille des Papillomaviridae. Ce sont des virus à ADN double brin, non enveloppés et de petite taille (de 45 à 55 nm de diamètre)2 . Ils sont extrêmement résistants et contagieux.

Il existe plus de 200 types de papillomavirus3. Ce sont des virus très répandus.

La transmission des HPV peut être directe (par contact cutanéo-muqueux ou cutanéo-cutané) ou indirecte (par des objets souillés). L’infection par le papillomavirus commence lorsque les particules virales pénètrent dans la couche basale de l’épithélium. Les particules de papillomavirus s’associent à des protéoglycanes à la surface des cellules, ainsi qu’à des récepteurs secondaires qui facilitent l’absorption du virus. Bien que la présence de micro-lésions ou de lésions plus évidentes de la couche épithéliale puissent être nécessaires, certains papillomavirus peuvent infecter des sites où l’accès à la couche basale est naturellement facilité. C’est le cas de la base du follicule pileux et des sites où les cellules épithéliales cylindriques et stratifiées se rencontrent (comme dans la zone de transformation du col de l’utérus ou du canal anal). L’entrée du papillomavirus est suivie d’une période de prolifération cellulaire4 .

 

 

Les HPV à haut risque

L’intégration de l’ADN viral au génome cellulaire est une étape importante du développement d’un cancer. Le potentiel cancérigène des HPV à haut risque (tels que les HPV 16 et 18) découle de la capacité de deux protéines virales (E6, E7) à modifier les mécanismes qui règlent la division des cellules épithéliales. Cela entraîne une prolifération anormale et des altérations génétiques. Les protéines E6 et E7 de ces virus sont qualifiées d’oncoprotéines. Elles se lient aux protéines suppresseurs de tumeurs et provoquent leur dégradation4. E7 interfère notamment avec les régulateurs du cycle cellulaire, favorisant une prolifération cellulaire incontrôlée. E6 inhibe l’apoptose, empêchant la réparation des lésions de l’ADN et permettant l’accumulation de mutations. Ces mécanismes combinés conduisent à une prolifération cellulaire aberrante, favorisant la cancérisation5 . La protéine E6 joue aussi un rôle crucial dans l’immortalisation cellulaire. Ce processus associé à des anomalies chromosomiques, prédispose les cellules à l’infection chronique par le HPV et à la transformation cellulaire, favorisant le développement de tumeurs4. La majorité des infections par le HPV sont transitoires et éliminées par le système immunitaire en moins de deux ans. On estime qu’environ 70% des infections virales disparaissent spontanément à 1 an et 90 % à 2 ans. Ce phénomène s’appelle la clairance virale6. Cependant, lorsque l’infection persiste, elle peut conduire à des lésions précancéreuses. La persistance de l’infection par le HPV est un facteur clé dans la progression vers le cancer (fig. 1).

 

 

Figure 1 - Evolution de l'infection par le HPV

 

 

Cas du cancer du col de l’utérus

Chez la femme, le cancer du col de l’utérus est pratiquement totalement imputable à une infection chronique par des virus appartenant à la famille des papillomavirus1 .

Le HPV peut persister au niveau du col de l’utérus pendant plusieurs années, provoquant des lésions précancéreuses caractérisées par des modifications cellulaires de l’épithélium. Ces lésions peuvent disparaître spontanément, persister ou évoluer vers un cancer(fig2). La transformation en cancer se produit lorsque les cellules anormales envahissent complètement l’épithélium jusqu’à la membrane basale. Si les cellules n’ont pas franchi cette membrane, on parle de cancer in situ. Si les cellules envahissent au-delà de la membrane basale, la tumeur devient un cancer invasif, s’étendant plus profondément dans la muqueuse8.

 

 

Figure 2 - Cancer du col utérin : l’histoire naturelle de l’infection à HPV7.

 

 

Les cancers épidermoïdes invasifs du col de l’utérus sont précédés par une période prolongée de maladie à l’état préinvasif, connue sous le nom de néoplasie cervicale intraépithéliale (CIN). La CIN est classée en grades 1, 2 et 3 selon la proportion de l’épaisseur de l’épithélium composée de cellules matures et différenciées. Les CIN1 sont généralement bénignes et régressent souvent spontanément. Dans le cas des CIN de grades 2 et 3, l’épithélium est principalement constitué de cellules indifférenciées. Elles présentent un risque plus élevé de progression vers un carcinome invasif si elles ne sont pas traitées. L’infection persistante par un ou plusieurs sous-types oncogéniques des HPV est une condition nécessaire à l’apparition de la néoplasie cervicale. Cependant, la majorité des anomalies cervicales causées par l’infection à HPV n’évoluent pas vers une CIN de haut grade ou un cancer du col8.

 

 

Les HPV à bas risque

Le condylome (ou verrue génitale) est l’une des manifestations les plus courantes du papillomavirus dans la région génitale. Il se présente sous forme de papules, de nodules ou d’excroissances. Ces lésions, multifocales, s’observent au niveau de la vulve, du vagin, du canal anal et de la marge anale. La maladie est généralement transmise par voie sexuelle et elle est le plus souvent causée par des HPV à bas risque, tels que les HPV 6 et 11 (mais d’autres génotypes peuvent également être retrouvés)9 .

Information complémentaire : Les HPV 6 et 11 peuvent être également responsables de papillomatose respiratoire récurrente (PRR), maladie respiratoire rare. Elle se caractérise par le développement de lésions prolifératives exophytiques, de papillomes, au niveau de la muqueuse des voies aériennes10.

 

 


 

L’infection à HPV suit un parcours bien défini qui peut mener à la cancérisation. Les étapes clés incluent l’entrée du virus, l’établissement de l’infection latente, la persistance virale, l’intégration de l’ADN viral et la transformation maligne possible.

Être porteur du HPV à un moment de sa vie n’est pas une maladie. Les médecins généralistes jouent un rôle crucial dans la prévention et l’éducation thérapeutique des patients pour prévenir l’évolution vers le cancer.

 


 

1. « Infection aux Papillomavirus (HPV) et risques de cancer • Cancer Environnement », Cancer Environnement (blog), consulté le 27 mai 2024, https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/infection-a-papillomavirus-humains-hpv/.
2. Christiane Mougin, Magali Nicolier, et Anne-Zélie Decrion-Barthod, « HPV et cancers : mécanismes de l’oncogenèse », Revue Francophone des Laboratoires 2008, no 405 (1 octobre 2008): 35‑42, https://doi.org/10.1016/S1773-035X(08)74276-X.
3. « Papillomavirus humain et cancer », consulté le 24 mai 2024, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/human-papilloma-virus-and-cancer.
4. John Doorbar, « Papillomavirus Life Cycle Organization and Biomarker Selection », Disease Markers 23, no 4 (2007): 297‑313, https://doi.org/10.1155/2007/613150.
5. John Doorbar et al., « Human Papillomavirus Molecular Biology and Disease Association », Reviews in Medical Virology 25 Suppl 1, no Suppl Suppl 1 (mars 2015): 2‑23, https://doi.org/10.1002/rmv.1822.
6. Elsevier Masson, « Papillomatose laryngée de l’adulte », EM-Consulte, consulté le 27 mai 2024, https://www.em-consulte.com/article/1095030/papillomatose-laryngee-de-l-adulte.
7. Mougin, Nicolier, et Decrion-Barthod, « HPV et cancers ».
8. « Human Papilloma Virus (HPV) - Dossier thématique illustré — Site des ressources d’ACCES pour enseigner les Sciences de la Vie et de la Terre », consulté le 14 mai 2024, https://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/sante/epidemies-et-agents-infectieux/hpv/human-papilloma-virus-hpv-dossier-thematique-illustre.
9. Joseph Monsonego, « Prévention du cancer du col utérin (II)  : vaccination HPV prophylactique, connaissances actuelles, modalités pratiques et nouveaux enjeux », La Presse Médicale 36, no 4, Part 2 (1 avril 2007): 640‑66, https://doi.org/10.1016/j.lpm.2007.02.004.
10. « Colposcopie et Traitement des Néoplasies Cervicales Intraépithéliales : Manuel à l’usage des débutants », consulté le 23 mai 2024, https://screening.iarc.fr/colpochap.php?chap=2&lang=2.

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